Est-ce bien une réponse ?

Les 659 signatures recueillies en six semaines au bas de notre pétition du 19 mars ont été remises par mail, dans la nuit du 28 au 29 avril, à Stéphane Dambrine, directeur général de Paris Habitat, et à Rémi Féraud, maire du 10e arrondissement, accompagnées du message suivant :

« Vous trouverez ci-joint les 659 signatures recueillies entre le 19 mars et le 28 avril, dans le quartier du Faubourg du Temple, au bas d’une pétition conçue ainsi :

“Nous, habitants et habitués du quartier Faubourg du Temple, exprimons notre soutien aux projets choisis dans le cadre de la concertation mise en œuvre par Paris Habitat et la Mairie du 10e pour l’attribution des locaux commerciaux Bichat-Temple, et plus particulièrement à :

·     Kelbongoo (vente directe de produits fermiers à petits prix)
·     la librairie-papeterie spécialisée jeunesse proposée par Les Guetteurs de vent

Nous nous inquiétons du montant des loyers fixés par Paris Habitat : 300-400€/an/m2 HT/HC (contre une moyenne parisienne de 220-240€/an/m2). Craignant que ces loyers ne soient incompatibles avec la viabilité économique des projets choisis, nous demandons au bailleur de les moduler et aux élus d’appuyer notre demande auprès du bailleur.”

Le nombre de signatures – plus important que celui de la pétition de mai-juin 2011 qui avait concrétisé l’opposition des habitants au DailyMonop’ annoncé initialement par Paris Habitat et la Mairie en pied de l’immeuble Bichat-Temple – montre bien que la mobilisation, qui entrera bientôt dans sa sixième année, ne faiblit pas. Il atteste notamment le très fort attachement du quartier au projet de “halle alimentaire”, promesse de campagne de l’actuelle majorité municipale portée par Kelbongoo, dont le projet a été approuvé à l’unanimité, le 1er octobre 2015, par la commission de validation de l’appel à candidatures lancé par vous, de concert avec la Mairie de Paris, en mars 2015.
C’est précisément parce que nous apprécions la procédure de concertation mise en œuvre pour l’attribution des locaux d’activité du projet Bichat-Temple que nous serions extrêmement déçus si les sept mois de négociations sur les baux devaient se solder par un recul ou imposer aux porteurs des projets retenus des conditions qui risqueraient de compromettre la pérennité de leur activité.
En cette veille de la livraison des 91 logements, qui hâtera sans doute aussi le dénouement en ce qui concerne les commerces, nous sommes donc au moins 659 à mettre notre espoir en votre écoute continuée. »

Rémi Féraud n’a pas réagi.

Stéphane Dambrine nous a fait parvenir, dès réception de notre message, une réponse conçue ainsi :

« Nous sommes en train de travailler avec les différents commerces retenus suite à l’appel à Projet et notamment les deux que vous citez afin de finaliser leur implantation sur le site Bichat Temple.
Nous regardons les aspects techniques mais aussi les aspects économiques de chacun des projets. Ceci nécessite un certain délai notamment sur les aspects techniques.
Soyez assuré que nous sommes comme vous attentifs à la pleine réussite de cette opération exemplaire. »

Nous joue-t-on du pipeau ou les choses sont-elles réellement en bonne voie – sept mois déjà après le choix des lauréats de l’appel à candidatures, alors que celui-ci prévoyait une dernière réunion de la commission de validation « pour faire un point sur l’avancement des entrées en location en janvier 2016 » ? En tout état de cause, alors que notre mobilisation entre dans sa sixième année, les porteurs des projets sélectionnés sont seuls pour négocier face à l’appareil de Paris Habitat, aucun ne pourra réaliser son projet comme prévu, en termes de création d’emploi et d’ouverture aux habitants, avec des charges locatives de 300-400 €/an/m2 HT/HC, et la Commission extra-municipale sur le Commerce et l’Artisanat mise en place en réponse à notre question de préconseil en juin dernier n’a pas retenu le principe d’une généralisation de la procédure de concertation que M. Dambrine qualifie d’« exemplaire » – si nous voulons avoir voix au chapitre à l’avenir aussi, tout sera à recommencer.

Certes, l’ensemble de la rue du Faubourg du Temple a été annexée à l’opération Vital’Quartier 2, et on nous parle d’une nouvelle structure inter-bailleur qui, bientôt, confierait aussi à la SEMAEST la commercialisation de tous les locaux d’activité des bailleurs sociaux de la Ville – pour éviter justement qu’ils servent de variable d’ajustement des montages financiers au mépris des retombées pour les quartiers concernés. Pourtant, au vu des dernières réalisations de la SEMAEST dans le 10e arrondissement – une épicerie fine/galerie photographique installée rue de Maubeuge dans un local occupé jusque-là par un brocanteur, et un ancien café de quartier actuellement proposé à la location rue de la Fidélité, les deux à des loyers encore supérieurs à ceux demandés par Paris Habitat à l’angle Bichat-Temple – il faut reconnaître que cet organisme, bien loin de servir à la préservation ou à la restauration d’un tissu commercial et artisanal vivant, accessible à tous les habitants et correspondant à leurs besoins réels, fonctionne désormais essentiellement comme un instrument de la « montée en gamme », autrement dit d’une gentrification tout à fait décomplexée.

Faut-il pour autant baisser les bras ? Non, mais nous n’arriverons rien en restant isolés. Inspirons-nous de ce qui se passe depuis un mois à #NuitDebout, place de la République, pour rêver d’une structure semblable au RESEL (Réseau Stop aux Expulsions Logement – https://reselparis.wordpress.com) qui informerait et concrétiserait les solidarités dans la lutte contre l’aliénation de nos rez-de-chaussée. Nous annonçons régulièrement en page ACTUS les réunions de #ConvergencesLuttesUrbaines. Nous vous encourageons tous à y passer – prêter l’oreille, prendre la parole et faire un pas de l’avant.