Une rentrée « au vitriol »

Lundi dernier, 7 septembre, les médias étaient pleins de la lettre « au vitriol » envoyée par Anne Hidalgo, en sa qualité de maire de Paris, à Emmanuel Macron, ministre de l’Économie en exercice, au sujet de la création d’une douzaine de « zones touristiques internationales » dans la capitale, autorisant l’ouverture nocturne et dominicale des commerces à l’intention de l’infime marge de croissance à glaner peut-être dans le portefeuille de nos amis les (riches) étrangers.

À glaner les petites phrases dans le texte de Mme Hidalgo, ceux qui luttent, notamment dans les quartiers encore populaires du Nord-Est parisien, contre les dérives des logiques déshumanisantes de « rénovation » urbaine mises en œuvre par l’actuelle majorité municipale sur fond de spéculation immobilière, croiraient presque s’entendre eux-mêmes.

La maire de Paris dénonce ainsi « le fantasme d’une ville entièrement dédiée à un tourisme consumériste », « l’indifférenciation et la standardisation des grandes villes-monde »… tout en refusant d’écouter le Collectif Ramponeau qui, attaché au vivre-ensemble réunissant artistes, artisans, logement social et logement privé dans un des derniers vestiges intacts du bas Belleville populaire, proteste contre un projet hôtelier de 250 lits sur le modèle de l’hostel Absolute, rue de la Fontaine-au-Roi ou du mammouthesque Generator, place du Colonel Fabien, qui sacrifierait la dernière métallerie du 20e arrondissement à ce même fantasme d’une « attractivité » qui détruit cela même qui est censé attirer (les « artisans et commerçants […] qui œuvrent tant pour la qualité de vie des Parisiens »), projet dans lequel la mairie et la SEMAEST, censée pourtant préserver et redynamiser le tissu commercial de nos quartiers, s’accordent pour brader le patrimoine et donner la main plutôt aux spéculations d’un promoteur privé.

La maire de Paris dénonce « les conséquences négatives pour le commerce de proximité, qui sera affaibli face à la concurrence des franchises »… tout en laissant sans réponse concrète notre pétition contre ces mêmes conséquences, induites par les logiques d’autofinancement dans le logement social. Si quelques-uns des projets déposés dans le cadre de l’appel à candidatures pour les locaux commerciaux du projet Bichat-Temple pourraient répondre aux besoins des habitants et amorcer une rénovation véritablement responsable, tous se heurteront à l’écueil des loyers demandés, à la portée des seules franchises dont Mme Hidalgo prétend redouter l’extension. Loyers qui donnent lieu de craindre le non-sens urbanistique d’un rez-de-chaussée commercial qui exclurait d’office les occupants des logements sociaux dans les étages.

Chez nous comme rue Ramponeau ou encore boulevard d’Ornano dans le 18e, où un collectif citoyen lutte contre un Carrefour Market de 1700 m2 pour un projet de maison de quartier autogérée, ces dérapages sont le résultat des mêmes décisions prises « sans implication des acteurs locaux » qui suscitent l’ire de Mme la Maire.

Et si le « vitriol » faisait boomerang ? Il est vrai qu’en fait de « vitriol », il s’agit au fond du langage du simple bon sens, chose du monde la mieux partagée.

En partageant aujourd’hui nos expériences à la Bellevilloise, autour d’une projection du film « Babelville » de Philippe Baron, on a lancé l’idée d’une coordination de toutes les mobilisations citoyennes autour du « droit à la ville » dans l’Est parisien.

Nous sommes toujours sans réponse à la lettre ouverte envoyée à Rémi Féraud le 19 juillet pour saluer la disparition de l’une des deux grues du chantier Bichat-Temple. Pour marquer la disparition de la seconde, aujourd’hui 13 septembre, nous vous invitons à donner chair à cette idée en participant samedi prochain, 19 septembre, de 9 h à 18 h, au Palais de la Femme, 94 rue de Charonne (75011) à la 2e journée réseau de l’association APPUII pour « Un urbanisme partagé » :

« L’objectif de la journée du 19 septembre 2015 est la poursuite de la structuration d’un réseau national de compétences solidaires sur les questions urbaines et d’aménagement. Ce réseau permettrait de venir en soutien ponctuel ou plus durable à des habitants confrontés à des projets – petits ou grands – auxquels ils ne trouvent pas de réponse, sur lesquels ils souhaitent réagir ou qu’ils contestent. Il importe de faire surgir des alternatives. Ce réseau rentre donc dans la réflexion sur un urbanisme démocratique ou la démocratie urbaine.
La matinée sera consacrée à la place des habitants et de l’expertise indépendante dans les projets de rénovation ou de renouvellement urbain et l’après-midi, à la structuration du réseau. Vous y êtes bienvenu-e-s, que vous ayez participé à la première étape ou non, et que vous soyez habitant, professionnel, étudiant ou chercheur. Ce qui nous rassemble : l’implication dans des actions sur la ville coopératives, soucieuses d’écoute et d’égalité, la production d’alternatives, la volonté de mettre en visibilité et de créer des liens entre les initiatives citoyennes et solidaires. »

INSCRIPTION : http://reseauappuii.eventbrite.fr

Programme : https://stopmonop.files.wordpress.com/2014/05/appuii_precc81programme-journecc81e-recc81seau-19-sept-2015.pdf

13 septembre 2015